Ola boys and girls,
Une fois n'est pas coutume, je poste un mail de mon frere Olivier datant de debut decembre. Il est en Inde pour un an, ca fait 4 mois, et on a des nouvelles de temps en temps (en fait, c'est le dernier mail que j'ai eu de sa part). C'est juste hallucinant, je lui ai donc demande si je pouvais le mettre sur mon blog. Depuis, il porte la moustache, parle couramment tamoul, mais je ne sais pas si il est marie :-) Cerise sur le gateau, il raconte ca bien.

Hey Ho !
Contre toute attente, tout se passe bien tout seul dans les collines sans aucun étrangers ou volontaire. Mais à la fois, il y a quelqu’un qui parle anglais qui s’occupe de moi et qui m’apprend le tamoul. D’ailleurs je progresse drôlement et ça me fait bien plaisir. Je commence à pouvoir dire beaucoup de choses, mais j’ai des gros problèmes de compréhension. Surtout que le tamoul du coin est très différent de celui de Pondichéry.

Aujourd’hui il n’y avait pas de travail au village de Thalvaniur. Une mère grand est morte hier et tout le village est en deuil. Hier, je comprenais pas pourquoi soudainement une radio était apparue et pourquoi ils avaient passé la même chanson en continue en boucle tout le jour et toute la nuit. J’ai appris après que mère grand avait trépassé et que ce n’était pas la radio mais tout le village qui a tour de rôle scandait la même chanson lancinante au micro. Aujourd’hui je suis allé faire un tour au village –notre maison est un peu en retrait. C’était assez impressionnant de voir toutes les pleureuses autour de l’autel-cercueil, hurlant comme si leur propre fils était mort alors que c’était juste mère grand, et les hommes défiler régulièrement à grands renforts de tambourins et trompettes – à ce moment là les pleureuses changeaient de rôle et dansaient de façon vachement tribale-. Pendant ce temps, mère grand était couchée toute grise et bâillonnée sur son cercueil de fleurs et de feuilles de palmiers. Les villages des alentours étaient venu lui rendre une petite visite et apportaient de nouveaux musiciens.

Tout le monde était manifestement extrêmement alcoolisé mais ça n’avait rien à voir avec la mort de mère grand : se bourrer la gueule est une activité quotidienne ici. 15 Roupies le demi litre d’un alcool punché home made qui grillerait les neurones de n’importe quel alcoolique d’école de commerce dès la première goutte. Tout le monde boit, hommes et femmes. Hier, les femmes des groupes de micro crédit étaient mobilisées pour la construction. 60 Roupies la journée. Et après le travail elles se sont toute enfilées un demi litre cul sec. Plutôt impressionnant quand on a déjà goutté à cette m…. Je suis allé au bar – qui est juste une maison du village-. A l’intérieur c’est vide, comme n’importe quelle maison par ici. C’est tenu par des femmes au regard vitreux. La seule lumière venait des braises mourantes d’un feu allumé contre un mur. Plusieurs hommes et femmes cuvaient en silence. Je préférais quand ils avaient les yeux fermés plutôt que de voir leur regard vide. Je dois avouer que je n’ai pas l’habitude de voir des gens dans cet état hors de soirée et jamais autant regroupé et surtout pas à 2 heures de l’après midi. Au milieu de la pièce qui puait l’alcool frelaté, un bébé rampait.

Au chantier, deux gamins de 10 et 11 ans travaillent comme ouvrier. Ca me choque un peu qu’une ONG fasse travailler des enfants. Mais à la fois, ils iront pas à l’école de toute façon et personne s’occuperait d’eux. Je sais vraiment pas quoi en penser.

Les mœurs dans le coin sont assez étonnantes. La voisine, mariée, deux enfants, en avait marre de son mari et puis elle aimait le voisin, le frère de la maîtresse de ma maison. Elle a donc zigouillé sont mari et s’est mariée illico avec son amoureux. Pas de problème. A l’inverse, il y a quelque jours : 2 couples dans le village ; l’homme d’un des couples et la femme de l’autre s’aiment. Le premier mari part en voyage à Salem, une ville un peu loin ; vite, vite, profitons en, l’amant file illico chez son amante et ils se précipitent dans le lit ; manque de chance, le mari revient dans la nuit et les trouve ; il tape sa femme sur le champ et réunit le village le lendemain pour décider de ce qu’il faut faire; la sentence tombe et ce dernier est battu nu puis pendu par les pieds toujours nu jusqu’à évanouissement ; il devra ensuite donner 1 mouton et 2000 roupies en dédommagement ; il s’est enfuit au Kerala le jour même après avoir été pendu . Dans un village voisin, 2 hommes s’échangent leurs femmes et une femme a 2 amants. La polygamie est courante.

A Kalagurichi, la ville de taille décente la plus proche, à 4 heures de mon village, je découvre un nouveau type de ville indienne : la petite ville pouilleuse et miséreuse à l’intérieur des terres qui n’a rien pour elle ; j’y ai vu mon premier mort dans la rue et mon deuxième vérolé. J’ai aussi du attendre mon bus pendant une heure à côté d’un chien qui bouffait un tête de chèvre ce qui m’a fortement déplu.

Un prêtre catholique en formation qui a travaillé pendant 6 mois pour l’ONG dans les collines jusqu’à très récemment avait deux amantes ; maintenant il finit sa formation en Italie. Un prêtre prêcheur dans un village à côté, après avoir dit deux ou trois fois aux étrangers de passage qu’ils ont une très belle peau, leur saute aux testicules. Sinon, il fait rien de ses journées. Voilà qui fait bien du tort à la sainte Eglise catholique…

Les gens ne sont absolument pas éduqués ici. C’est fascinant. Aima qui s’occupe de faire la cuisine ne sait même pas faire la cuisine. Pour elle ça revient à faire revenir 3 légumes dans de l’eau à moitié chaude et à verser le tout sur du riz. Matin, midi et soir. La représentante de l’ONG en place depuis à peine une semaine lui apprend maintenant les rudiments de la cuisine indienne. Ce qui est effrayant c’est que c’est pareil pour tout le village- à la fois, ça doit pas être facile de faire la cuisine bourré. Aujourd’hui deux bonhommes d’un autre village sont venus dans ma chambre : vous avez un stylo et un papier, sir ? Vous pouvez écrire ce numéro de téléphone s’il vous plaît ? m’ont-ils dit en me montrant un téléphone portable dont l’agenda était ouvert ; ils savaient se servir d’un téléphone portable mais pas lire, pas même les chiffres. Quand une ONG est passé et a donné des préservatifs pour le village, ils se sont demandés ce que ça pouvait être ; puis ils se sont bien amusés à les brûler. A la fois, c’est vrai que c’était pas très intelligent de juste venir et donner une boîte. J’ai mis du baume du tigre à Aima et je lui ai donné un cachet de paracétamol parce qu’elle avait mal à la tête. Je suis maintenant devenu le médecin et le pharmacien pour les gens des villages du coin. Je les soigne à coup de vitamines et de baume du tigre en attendant qu’ils aillent chez le médecin (je suis pas médecin merde !).

Parfois, j’arrive à comprendre pourquoi certains colons qui se baladaient en zone rurale parlaient des indigènes comme de grands enfants innocents et irresponsables.

Après 3 jours à bosser dur, je me sentais pas très bien. J’ai plus ou moins dormi 48 heures d’affilé. Ca va mieux. Toujours pas de chickugunia en vue. Par contre c’est sur il y a des vipères ultra venimeuses et des scorpions, ce qui ne me fait pas plaisir. Je me dit que si je fais copain copain avec les rats, peut-être qu’ils me défendront en cas de besoin. J’ai bien l’intention d’en faire mes gardes du corps.

J’ai trouvé une deuxième mère d’adoption et un deuxième père d’adoption en Aima et le maçon du chantier qui veulent que je les appellent maman et papa. Aujourd’hui, le maçon a insisté pour que je me mette sur ses genoux et il a commencé à me bercer ; je savais pas quoi dire ou faire. Le même maçon au du être rapatrié en urgence la semaine dernière à Pondichéry et comme moi et une française qui était là à ce moment là on lui a lavé ses plaies, on était un peu ses sauveurs ; alors il fallait absolument qu’on aille chez lui à Pondichéry manger la cuisine de femme.

Ca y est, j’assume le lungi (la jupe pour homme des indiens, le vêtement traditionnel masculin) et je le porte en public. A la fois, c’est quand tu n’en portes pas que tu as l’air bizarre ici. Il ne me manque plus qu’à me faire pousser la moustache et à bronzer comme ça ne m’est jamais arrivé, et je détonnerai presque plus !

Il y a peu de temps, c’était absolument décidé, je quittais le Community Seva Center et je me trouvais une autre organisation, si possible dans une autre ville que Pondichéry, histoire de voir autre chose. A la fois je me dis maintenant que ça me plaît beaucoup ici et que peut-être que je pourrais y rester un bon moment, malgré mes différents avec le Community Seva Center et avec Nehru, son directeur. Mais je ne fais aucun plan pour autant ; je me suis rapidement rendu compte qu’il est absolument impossible de planifier quoi que ce soit sur plus d’une semaine dans ce pays de fous. Je me dis donc que la semaine prochaine je ne penserais sûrement qu’à fuir ces collines dangereuses et étranges. Que sera, sera…

Voilà voilà ! Pas grand-chose d’autre d’intéressant à dire je crois sinon que je vais bien et que j’espère sincèrement que vous allez tous bien aussi. Ah si ! Tout le monde essaie de me marier avec une fille du village qui est « ready ready » paraît-il. On m’a emmené à elle de force pour faire les présentations ; elle gloussait en baissant les yeux, en fille bien élevée. Désolé pour ceux qui aiment pas les mails collectifs et merci pour les mails personnels qu’on m’a envoyé qui me font tous super plaisir.

Saluti !

Olivier, qui se refuse à trépasser.